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L’avenir au féminin – Les femmes en agriculture

À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes du lundi 8 mars, on a partagé avec vous quelques portraits des productrices du Marché de l’Outaouais, soulignant leur contribution économique et sociale en agriculture et du coup, en entrepreneuriat. Pour clore la semaine adéquatement, on a envie de survoler l’évolution des femmes dans le milieu, puis de nommer quelques obstacles auxquels elles sont confrontées au quotidien.

Prendre et faire sa place

L’agriculture subit de profondes transformations depuis le siècle dernier. Si la place prépondérante des femmes devient de plus en plus normalisée, facilitée et encouragée en agriculture, c’est parce qu’elle l’est au sein de la société dans son ensemble.

ll n’y a pas si longtemps, une tonne de pratiques discriminatoires faisaient obstacle à l’entrée des femmes  dans ce milieu. Parmi celles-ci, il y a l’accès à la terre qui s’effectuait souvent à travers le mariage ou par voie d’héritage, impliquant des dynamiques de pouvoir inégales découlant directement des rapports sociaux de l’époque. Quant à l’accès au crédit, les femmes de 40 et plus devaient obtenir l’autorisation de leur conjoint. Ce n’est qu’en 1990 qu’on a annoncé au Congrès général de l’Union des producteurs agricoles (UPA) que le programme d’accès à la propriété pour conjoints et conjointes de 40 ans et plus entrait en vigueur; une mesure qui, en dix ans, a fait croître le nombre de femmes propriétaires de 20%.

En raison de l’industrialisation de ses pratiques (l’arrivée de la machinerie, par exemple), on décrit souvent le travail agricole comme étant traditionnellement masculin, car il exige des qualités particulières comme la force physique et des habiletés techniques. Or, les femmes travaillaient à leurs côtés, dans l’ombre. Nous avons simplement tardé à les reconnaître comme agricultrices à part entière, ainsi qu’à médiatiser leurs contributions: “On a beau appeler ça un métier traditionnellement masculin, les femmes y ont toujours participé”, souligne Nathalie Bissonnette, professionnelle de recherche au Conseil du statut de la femme (CSF).

En effet, le statut de conjointe les réduisaient aux rôles sexués de collaboratrice, mère et femme de foyer. Elles contribuaient alors aux exploitations agricoles à leur façon, c’est-à-dire, parmi les paramètres du travail domestique, sans oublier que les fermes portaient généralement le nom de famille de l’homme.

Au tournant de la fin des années 70, les luttes menées par l’Association féminine d’éducation et d’action sociale (Aféas), le Comité provincial des femmes en agriculture et la Fédération des agricultrices du Québec permettent une sensibilisation et une reconnaissance inédites de l’apport féminin en agriculture qui semblent être à la hausse depuis. Il ne suffit pas d’examiner le nombre grandissant des femmes en agriculture, il faut aussi s’attarder sur leur rôle. « En 1996, les femmes constituaient 25,3 % des exploitants agricoles; en 2016, cette proportion avait atteint 28,7 %, ce qui représente 77 830 exploitantes agricoles ». La valorisation de l’entrepreneuriat a notamment favorisé l’essor des projets dirigés par les femmes. Nombreuses sont celles qui démarrent leur propre entreprise et qui observent de moins en moins d’embûches dans le processus.

Par ailleurs, on observe à présent une plus grande proportion de femmes dans les programmes d’études agricoles, de sorte que la relève agricole pourra s’en sortir d’autant plus diversifiée. En vue de répondre à la modernisation continue du milieu, les jeunes exploitantes, accordent aujourd’hui une importance supérieure à la formation scolaire. « Par exemple, en 2016, ce groupe était près de deux fois plus susceptible que 20 ans auparavant de déclarer avoir terminé des études universitaires lorsqu’on leur a demandé leur plus haut niveau de scolarité ». Elles ont également tendance à choisir des programmes d’études directement liés à l’agriculture, tels que la gestion et le leadership agricoles.

Des inégalités qui perdurent

Les avancées sont certes impressionnantes, mais le tout est loin d’être gagné. Les stéréotypes demeurent, puisque plusieurs se font encore remettre en question par rapport à leur rôle dans l’entreprise.

Il faut ensuite souligner la conciliation travail-famille. En effet, on revient à cette idée de double journée qui dépasse certainement le monde agricole. On traite ici de l’équilibre entre le travail et la vie personnelle. Dans le cas des agriculteurs, ils adhèrent généralement à un horaire saisonnier atypique caractérisé par de longues heures, une charge de travail d’autant plus intense l’été et peu de congés. Il est également possible qu’ils doivent composer avec des tâches administratives liées à la gestion de leur entreprise. Ces sources de stress peuvent être aggravées par les préoccupations financières, la dépendance au climat, les imprévus, et plus encore.

Ainsi, les femmes en agriculture se distinguent par le phénomène de double ou triple tâche. En plus de leur travail agricole et des enjeux qui en découlent, elles prennent souvent en charge une plus lourde tâche à la maison, s’occupent des enfants, etc. Néanmoins, il est pertinent de souligner que ce sont pas toutes les exploitantes qui correspondent à ce profil; certaines productrices rompent avec le modèle traditionnel du couple hétérosexuel avec des enfants.

Quel que soit leur rôle, le manque de ressources est au cœur des obstacles des agricultrices.  Qu’elles soient  étudiantes, nouvellement productrices, productrices expérimentées prêtes à effectuer un transfert ou ouvrières agricoles qui aspirent à exploiter,  les femmes sont souvent dépourvues de soutien.

Ce dernier ne se traduit pas uniquement par le manque de financement ou à l’accès plus ou moins facile au crédit. Outiller équivaut aussi à faciliter l’accès à la documentation gratuite, que ce soit en lien avec le budget ou l’élaboration d’un plan d’affaires. De ce fait, le réseau et l’entraide deviennent des stratégies essentielles d’émancipation et d’autonomie qu’il faut valoriser dans le but d’accroître la capacité de mentorat, d’accompagnement, de contribution, d’expression et de décision des femmes dans le milieu.

Les femmes et l’économie sociale

Enfin, les femmes jouent un rôle essentiel dans une économie sociale, un modèle qui se distingue par une mission et une rentabilité sociale plutôt qu’exclusivement économique.

« Au Québec, les femmes représentent plus de 70 % de la main-d’œuvre en économie sociale et y jouent un rôle prépondérant, tant comme fondatrices d’entreprises, administratrices, salariées et bénéficiaires ».

C’est donc en favorisant leur participation à la vie active, en augmentant leur productivité et en faisant la promotion d’entrepreneuriat spécifiquement féminin qu’on fait avancer l’économie de façon globale. Ainsi, afin de pouvoir servir et intégrer tous les membres d’une communauté de manière démocratique, une économie sociale et solidaire dépend de la parité des genres et se doit de la promouvoir.

On gagne tou.te.s à accroître leur résilience puisque naturellement, elles ont des manières de faire qui leur sont propres, que ce soit pour répondre à leur spécifité et à leurs besoins en tant que femme ou non. Il en résulte non seulement des approches mais aussi des produits innovateurs.

Elles sont passionnées, résilientes et inspirantes. Donnez-leur donc la place qui leur revient. À présent reconnues, il faut continuer de les représenter et de les financer.

Sources (et ressources pour poursuivre votre lecture!)

Agricultrices du Québec. (2016). Étude intégrale sur le travail invisible des femmes en milieu rural. https://www.agricultrices.com/wp-content/uploads/filebase/Les-femmes-en-milieu-rural-Document-FINAL.pdf

Conseil du statut de la femme. (2019). AVIS Les femmes en agriculture Cultiver les possibles. https://www.csf.gouv.qc.ca/wp-content/uploads/Avis_femmes_agriculture_20191121.pdf

Radio-Canada. (2019). Agriculture: les femmes, notamment celles de la relève, sont encore victimes de préjugés. https://ici.radio-canada.ca/premiere/emissions/les-eclaireurs/segments/entrevue/102562/milieu-agricole-femmes-feminin-presence-portrait-prejuges-quebec-agriculture

Shumsky, M., & Nelson, A. (2018). Les exploitantes et les jeunes exploitants représentent une nouvelle ère pour les agriculteurs canadiens. Statistique Canada. https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/96-325-x/2017001/article/54925-fra.htm

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